Cependant, les « grocers » (distributeurs alimentaires), entrent dans une zone de turbulence en 2018. S’adapter aux changements d’habitudes des consommateurs et à une concurrence agressive devient de plus en plus difficile, notamment pour les acteurs intermédiaires (Safeway, Publix, etc.) qui n’ont pas encore trouvé de réponse claire et différenciée.
Une polarisation du commerce de détail
Du côté des enseignes « premium », la fusion Amazon-Whole Foods risque d’avoir des répercutions massives, notamment :
Du côté des discounters, 2018 sera marque par le développement massif d’Aldi qui aligne déjà plus de 1600 magasins aux Etats-Unis et a le projet d’en ouvrir 900 supplémentaires, mais aussi par la poursuite du développement contrôlé de Trader Joe’s et par l’arrivée sur le marché de Lidl. Autant de projets qui devraient détourner une partie du trafic des « distributeurs intermédiaires ».
Une première réaction défensive : la baisse des prix
A l’annonce de la fusion Amazon-Whole Foods et de ses conséquences probables, les distributeurs alimentaires américains ont eu pour réaction immédiate de baisser les prix. Toutefois, cette baisse sous forme de promotions a été générale et indiscriminée et les fournisseurs de marques nationales en ont fait les frais puisque tous les distributeurs, y compris les mass merchandisers comme Target ont exigé des baisses de l’ordre de 10%. Cette tendance, si elle se prolonge, contraindra les fabricants à diminuer leurs investissements sur des leviers importants pour les grocers eux-mêmes : les outils de génération de la demande et l’innovation.
Ce genre de réaction relevant plus de la panique que de la stratégie est révélatrice du fossé qui se creuse entre les distributeurs leaders dans leurs segments, qui ont une offre solide, différentiée et innovante et les « intermédiaires » qui subissent les changements.
Conditions de survie à long terme : une accélération de la transformation sur 4 axes majeurs
Axe 1 : Accélérer l’innovation de l’offre produit
L’innovation produit passera par une collaboration étroite avec les fournisseurs, mais également par un assouplissement des conditions souvent intransigeantes sur les rotations et les délais de déréférencement. Les distributeurs les plus en avance ont déjà franchi le pas pour faire plus de place aux produits bio, all-natural, « free-from » (par ex. sans gluten, sans conservateurs, etc.) et locaux, ce qui contribue aussi à changer positivement leur image.
Cette innovation devra également passer par le développement d’une offre pour contrer les repas préparés (meal kits) proposés par Blue Apron, Hello Fresh, Munchery et Gobble, qui tendent à réduire le nombre de visites au supermarché. Cela pourra se faire de façon organique ou par acquisition de start-up comme l’a fait Albertsons en rachetant Plated.
Axe 2 : Repenser l’expérience client
Si certains distributeurs ont pu se différencier par leur expérience client (Trader Joe’s, Wegmans, Harris Teeter), la plupart devront accélérer les efforts pour retenir les visiteurs. En particulier, ils devront intégrer davantage d’innovations digitales, proposer des offres de services complémentaires, offrir des options de restauration sur place, améliorer le merchandising et tester de façon plus agressive les offres de store pick-up, l’équivalent du drive en France.
Axe 3 : Exploiter les données client
Citée comme l’une des deux raisons principales derrière le rachat de Whole Foods par Amazon, l’exploitation des données clients devra inciter les distributeurs à personnaliser les promotions et à proposer des offres de cross-selling et d’upselling afin d’améliorer l’efficacité des promotions et augmenter le panier moyen. Les clés seront : tout d’abord la vitesse à laquelle les « distributeurs intermédiaires » exploiteront les trésors que recèlent leurs données issues des programmes de fidélité et ensuite la pertinence du moment et de l’endroit où ils vont toucher les clients (par exemple lorsqu’ils passent devant les produits ciblés en magasin).
Axe 4 : Renforcement de la domination régionale
Contrairement à la France où le secteur est relativement concentré et stable, la distribution alimentaire aux Etats-Unis est encore très fragmentée et les espaces de vente en surcapacité forte. La survie des « distributeurs intermédiaires » passera donc par des actions fortes de nature opérationnelle (diminution des coûts par d’autres moyens que la pression généralisée sur les fournisseurs, par exemple la maîtrise des stocks) mais surtout stratégique (recherche de taille critique régionale par M&A).
Mis sous pression par l’attractivité accrue du premium et l’efficacité opérationnelle et commerciale du discount, les « distributeurs intermédiaires » font donc face à de nombreux défis. Transformer ces défis en opportunités sera la clé de leur survie et de leur développement.
Lien vers l’article sur le site LSA